Reportage spécial : les véhicules intermédiaires
au 3e Salon européen des Vélis

Célia Corneil, consultante mobilité et reporter pour la newsletter de la Fresque de la Mobilité, nous fait partager l’essentiel de cet événement qui devient un rendez-vous incontournable pour les passionnés de mobilité durable.
Du 10 au 12 décembre dernier, le 3e Salon européen des véhicules intermédiaires se tenaient à Laval, réunissant plus de 400 personnes et une cinquantaine de constructeurs.
On vous explique pourquoi et comment ces étonnants véhicules sont venus interroger, passionner et faire naître des espoirs sur notre mobilité de demain !
L’émergence des Vélis : des mobilités devenues (beaucoup) trop pesantes
Les véhicules légers intermédiaires, Velis de leur petit nom, se positionnent entre la voiture (souvent bien trop lourde) d’un côté et le vélo (souvent trop limité) de l’autre.
Le contexte de leur apparition est bien connu des animateurs et animatrices de la Fresque de la Mobilité.
Le poids du secteur des transports dans les émissions nationales de GES
Tout d’abord, on voit un secteur des transports qui pèse drôlement lourd dans la balance des émissions nationales de gaz à effet de serre (plus de 30%), et qui peine à diminuer voire augmente sa part dans le total national. N’hésitez pas à relire cet excellent article de la FdM (sous la plume de Erwan Caro) à ce sujet.
Toujours plus d’usage de la route
Au sein du secteur des transports, le transport routier est à l’origine de l’écrasante majorité des émissions de CO2 eq.
Les gains liés à l’efficacité des véhicules (amélioration technologique des véhicules) ont été annulés par une augmentation des kilométrages réalisés et une augmentation du poids des véhicules.
Le syndrome d’obésité de la voiture particulière touche aussi la conception des véhicules électriques. Et ainsi, ce sont plus de matériaux utilisés, et une empreinte carbone de la fabrication en hausse pour ces véhicules également.
Un marché de l’automobile européen en berne face à l’essor du marché chinois
Par ailleurs, le marché de l’automobile et les industriels français vivent des temps chaotiques depuis de nombreuses années. L’industrie chinoise, elle, continue sa croissance : la Chine est devenue le premier pays exportateur de voiture, quadruplant ses exports en trois ans. Cette montée en puissance est tout particulièrement prégnante sur le véhicule électrique, ce qui posera de sérieuses questions de souveraineté nationale dans un avenir proche.
Des territoires piégés dans l’usage de la voiture
En parallèle, la dépendance à la voiture est toujours très grande, en particulier sur les territoires péri-urbains et ruraux. Pas de solution miracle : aujourd’hui, seule la voiture couvre l’ensemble des déplacements des habitants sur ces espaces marqués par l’étalement urbain. Le coût financier de l’usage des véhicules, lui, pèsent de plus en plus fortement sur les ménages, en particulier les plus modestes.
Roulons à contre-courant !
C’est ainsi que sont apparus les Velis.
De nombreux acteurs locaux constatent l’impasse que représente l’usage massif de la voiture. Une situation d’autant plus frustrante que la voiture est bien souvent surdimensionnée pour les déplacements quotidiens de courte distance.
A contre-courant des logiques de la filière industrielle automobile, des constructeurs ont débuté la conception de véhicules au look de « vélo augmenté » ou de « mini voiture ». Une philosophie partagée : des véhicules sobres, réparables, produits et assemblés localement, répondant aux usages de la voiture actuelle.
Petit panaché de véhicules intermédiaires et leurs usages possibles :
Pédaler à l’abri des intempéries à 45km/h, seul ou accompagné, avec le Sorean QBX ou l’Acticycle.


Assurer la mobilité des enfants sur leur trajet quotidien :


A 45 ou 60 km/h, assurer sa mobilité dans les espaces ruraux et péri-urbains avec la quadricycle Biro 2 places :

Assurer la logistique du dernier kilomètre avec Maillon Mobility ou Midipile


Et bien d’autres encore ! Jérôme Zindy, vélo-reporter, vous propose un tour en des véhicules présents à Laval dans cette vidéo très sympa : 3ème Salon des véhicules intermédiaires à Laval – Episode Spécial de la Nouvelle Aventure Mobile
L’eXtrême Défi, un accompagnement à l’émergence de la filière Veli
En 2022, l’ADEME lance l’eXtrême Défi, un parcours d’innovation multi-facettes : conception de véhicules, homologations et réglementations, nouveaux imaginaires, expérimentations. C’est dans ce cadre que s’est déroulé le 3e Salon, organisé par l’ADEME, l’ESTACA, Laval Mayenne Technopole et ID4Mobility.
Les sujets qui animent la filière Veli
Il serait difficile d’être exhaustif pour rapporter l’effervescence du secteur des Velis et des discussions à Laval ! Quelques sujets glanés ici et là…
Changer la société pour changer les véhicules
En introduction, Gabriel Plassat (instigateur du programme de l’eXtrême Défi) a rappelé le contexte global où la Chine avance et avance très vite, en particulier sur les véhicules électriques (le pays est désormais le premier exportateur mondial de VE).
La concurrence n’attendra pas, que cela soit sur l’avance technologique prise par les industriels chinois, ou par des propositions de prix venant casser le marché.
Pour y faire face, la réponse devra être sociétale, et venir transformer profondément les modes de vie pour permettre une appropriation des Velis. Une réponse globale du « visible à l’invisible » :

L’empreinte carbone des véhicules, éléments de comparaison
Alors ces Velis, réellement plus sobre ?
Le graphique ci-dessous parle de lui-même : que l’on parle de mini-voiture ou de vélo augmenté, l’empreinte carbone est de 5 à 10 fois inférieure à celle d’une voiture citadine électrique fabriquée en France.
Ensuite, au sein des Velis, les disparités sont grandes : elles dépendent bien sûr du poids du véhicule, mais aussi de la capacité de la batterie (en vert clair dans le graphique) et des matériaux retenus, avec des choix de conception bien plus diversifiés que dans l’automobile.
Ensuite, au sein des Velis, les disparités sont grandes : elles dépendent bien sûr du poids du véhicule, mais aussi de la capacité de la batterie (en vert clair dans le graphique) et des matériaux retenus, avec des choix de conception bien plus diversifiés que dans l’automobile.

Autre points soulevé concernant l’enjeu environnemental, leur durabilité. Un indice de durabilité a été créé pour aider et encourager les constructeurs à construire des véhicules plus durables. Les enjeux portent notamment sur l’utilisation de composants non-propriétaires voir open source ou la démontabilité et réparabilité de la batterie.
Mutualisation des communs
Première question, quels sont les « communs » possibles des Velis ?
C’est l’un des angles d’attaque du programme de l’eXtrême Défi : créer de l’information en libre accès, des process en propriété libre plutôt que brevetée.
Là aussi, on est sur un changement de paradigme, industriel cette fois-ci.
Parmi les mutualisations déjà testées :
- La mise en place d’une centrale d’achat pour mutualiser les approvisionnements,
- La mutualisation de l’assemblage, comme sur l’Usine à Vélo du Grand Plateau.
Les objectifs :
- Avoir une offre plus capacitaire et flexible
- Rester maître de l’outil industriel
- Pouvoir essaimer des micro-usines sur le territoire
Les Velis en expériment’action sur les territoires !

En 2024, 8 territoires sont accompagnés dans le cadre de l’eXtrême Défi pour déployer des expérimentations d’usage de Velis. 9 supplémentaires le seront en 2025, avec une trentaine de véhicules en circulation.
Qu’est-ce qu’on teste ? Tout d’abord, savoir sur quels types de déplacements le Veli peut remplacer la voiture et pour quel public : agents de la collectivité pour leurs tâches quotidiennes, mobilité régulière des habitants, petite logistique…,
On teste aussi différentes typologies de territoire : urbain, péri-urbain, rural, rural montagneux, plat ou vallonnés voire avec de fortes déclivités !
Pour les territoires, l’apport est multifacette. On « transporte » les acteurs, on se projette dans son « territoire de demain » avec le Veli. On stimule l’envie de changement, et la capacité de chacun.e à faire advenir ce changement. Un nouvel imaginaire commun se fabrique, la « culture Veli » grandit. A l’image de ce qui s’est passé sur le domaine du vélo comme sur celui de la voiture, il est assez certain que le Véli s’inscrira dans des formes de mobilité partagée. Les modèles du vélo en location longue durée (VLD, pour les intimes) ou de l’autopartage viendront certainement guidées les modèles économiques à imaginer autour des véhicules intermédiaires.
The Shift Project est convaincu de la pertinence des véhicules intermédiaires pour décarboner la mobilité et une partie du fret. De nouvelles études sont lancées et nous aurons prochainement un rapport qui objectivera tout ça en chiffres et en solutions concrètes.
Alors, laissons-nous rêver d’un monde où le véhicule intermédiaire sera la norme et le SUV l’intrus… !