Débunkage sur la voiture électrique

Un groupe d’animateurs de la Fresque De la Mobilité a récemment publié un guide pour accompagner les mobifresqueurs dans les réponses aux nombreuses questions sur la voiture électrique. Ce document, qui reprend les 23 questions les plus courantes qui nous sont posées pendant les fresques, apporte des éléments factuels et chiffrés, sans rien cacher de l’impact de la voiture électrique.
Il est le fruit du travail de Anne Laure GALMEL, Barbara SERVAIN, Camille SCHMITT, Cyril RETOURNE, Gregory FILOU, Pedro HERNANDEZ, Vincent LEFEVRE, Xavier RAYNAUD et Yohann DESALLE sur une durée de 6 mois. C’est l’occasion pour nous d’échanger dans cette newsletter avec Yohann, qui a participé à la rédaction de ce document. Vous le trouverez dans le canal Slack 0-help-questions-réponses.
Interview de Yohann Desalle, Manager de Transition
Valéry : Alors Yohann, avec les enfants qui travaillent dans les mines de Cobalt et les voitures électriques qui prennent feu, la voiture électrique est-elle vraiment une solution ?
Yohann : oui Valéry, ce sont des questions qui nous sont souvent posées. Et quand on est mobifresqueur et pas forcément spécialiste de la voiture électrique, pas facile d’y répondre.
Ce que nous avons fait c’est justement d’apporter des réponses (à ces deux questions et à de nombreuses autres), et surtout des sources pour pouvoir répondre précisément aux personnes qui participent à la fresque.
Valéry : Comment avez-vous travaillé ?
Yohann : Première session, nous nous sommes posé les questions que nous avions souvent entendues.
Nous avons réuni une quarantaine de question, certaines se recoupaient un peu : est ce que l’on peut se garer dans tous les parkings (cf. l’expérience des voitures GPL sans valve) et les voitures électriques plus lourdes vont-elles faire s’écrouler les parkings ? Ensuite nous nous sommes attribués les questions avec l’objectif de répondre à une question par personne et par mois.
Valéry : et ces réponses, elles ressemblent à quoi ?
Yohann : le plus important pour nous c’était les sources. Chaque mois nous nous réunissions (en visio, ça fait moins de déplacements) pour expliquer les réponses que l’on avait trouvé, et indiquer nos sources. Le groupe décidait ensuite si la réponse et surtout les sources utilisées étaient suffisantes ou s’il fallait continuer à creuser.
Valéry : quel est l’enseignement final ?
Yohann : Il y a de nombreuses craintes dans le passage à l’électrique et de nombreux questionnements. Comme sur tous les sujets, sur internet on trouve tout et son contraire : les cimetières de voitures électriques en Chine, les ferrys qui refusent les voitures électriques en Grèce, les batteries qu’il faut changer au bout de 2 ans …
Nous avons essayé d’apporter de la rationalité, du concret sur ce sujet parfois sensible.
Valéry : Pourquoi sensible ?
« la voiture, dans l’imaginaire collectif, c’est la liberté
et pour certains c’est une passion
ou une représentation sociale »
Yohann : Parce que la voiture, dans l’imaginaire collectif, c’est la liberté et pour certains c’est une passion ou une représentation sociale. Beaucoup de gens sont plus attachés à la marque de leur voiture qu’à celle de leurs volets roulants ou de leur literie (alors qu’ils passent sans doute plus de temps dans leur lit que dans leur voiture). Donc nous sommes conscients aussi que la simple rationalité apportée n’est pas suffisante, c’est un élément de réponse sur le grand sujet de la décarbonation de la mobilité.
Valéry : Donc on ne passe pas tous à la voiture électrique demain ?
Yohann : Non ! Tout d’abord il faut tenter de minimiser ses déplacements, voir ce que l’on peut faire en mobilité active ou en transport en commun et covoiturage. Ensuite, il y a des conditions favorables pour passer à l’électrique. Il est plus simple et plus rentable d’y passer quand on a la possibilité de se recharger la nuit ou au bureau. Je renvoie d’ailleurs à la note de positionnement de l’APCC, dont j’ai contribué à l’écriture, qui résume en une page quand faire le choix de la voiture électrique Mobilité : quand faire le choix de la voiture électrique ?
Valéry : Mais si on n’y passe pas tous il y a quand même des avantages à rouler électrique ?
Yohann : Bien sûr, je dirai 2 types d’avantages.
– D’un point de vue environnemental, une voiture électrique a un « sac à dos » plus lourd. Sa production va nécessiter plus de ressources minières, va émettre plus de gaz à effet de serre (environ le double). Mais plus l’électricité est bas carbone et plus cette dette environnementale va être remboursée rapidement. Pour une voiture exploitée en France, les émissions de gaz à effet de serre supplémentaires de la production sont rattrapées en 20 000 à 40 000 km, dans des pays où l’électricité est plus carbonée, cela peut atteindre 150 000 km.
– D’un point de vue confort et plaisir, les voitures électriques sont plus silencieuses, elles offrent 100% du couple à bas régime, elles ne vibrent pas, elles sont toutes boite automatique … en somme elles sont moins fatiguantes.
« Les batteries sont conçues pour 1000 à 2000 cycles, en fonction
de la taille de la batterie cela fait de 400000 à 800 000 km. »
Valéry : Et la batterie va tenir 150 000 km ?
Yohann : Valéry, tu ne vas pas t’y mettre toi aussi 😉
Les batteries sont garanties 8 ans et 160 000 km en général. Tu imagines bien que le constructeur calibre la garantie bien en dessous de la durée de vie. Par exemple une voiture diesel qui est garantie 2 ans ne va pas lâcher la troisième année, mais plutôt au bout d’une vingtaine.
Les batteries sont conçues pour 1000 à 2000 cycles, en fonction de la taille de la batterie cela fait de 400 000 à 800 000 km approximativement. Les sièges seront usés bien avant la batterie.
Valéry : intéressant, et les batteries solides tu y crois ?
Yohann : ça viendra sans doute, mais ça n’enlève pas les capacités des voitures électriques actuelles. Aujourd’hui on peut facilement rouler 400 km sur une charge en électrique (dans la vraie vie, pas dans un laboratoire). Si on parle autoroute à 130 km/h, la plupart des voitures tiennent facilement les 2 heures, au-delà desquelles il est conseillé de faire une pause. Aujourd’hui une charge jusqu’à 80% prends entre 18 et 30 minutes. Pour avoir déjà fait de nombreux longs trajets en électrique, c’est la voiture qui s’adapte et pas l’inverse.
« On est forcément plus près d’une station de charge
que d’une station-service. »
Quand on a faim on s’arrête manger et pendant ce temps on recharge, quand on a envie d’aller aux toilettes on s’arrête et pendant ce temps-là on recharge … il y a plus de 50 000 stations de recharge sur les routes de France pour à peine plus de 10 000 stations-services. On est forcément plus près d’une station de charge que d’une station-service.
Valéry : Et ces stations elles ne sont pas surchargées ? Je pense à l’été, les grands départs en vacances …
Yohann : Je ne vais pas dire que ça n’arrive jamais mais je vais mettre cela en perspective par quelques chiffres :
Un point de charge public a délivré 22,4 sessions de charge en mai 2025 en moyenne. Le pic a été en décembre dernier, 26 sessions de charge en moyenne par point de charge sur tout le mois. C’est-à-dire moins d’une par jour. Alors cette moyenne recoupe des gros écarts : la borne du village qui fait 2 charges par mois et celle de l’autoroute qui fait 6 charges par jour.
Deuxième chiffre, aussi fourni par l’AVERE, l’accès immédiat à un point de charge en mai était de 96%. Ce chiffre est assez stable sur un an. Il signifie que dans 96% des cas, un automobiliste qui se présente à une station a accès sans attendre à un point de charge. Cela comptabilise les bornes en panne, en maintenance, en utilisation, bloquées par des voitures thermiques … Et s’il attend (4% des cas) il n’attend pas forcément 30 minutes, une borne peut se libérer 4 minutes plus tard, comme une pompe à essence.
Ces deux chiffres cumulés me font dire que si le cas de l’attente aux bornes les jours de grand départ ne sont pas impossibles, ils ne sont pas le cas le plus probable. Si chaque point de charge pouvait déjà être utilisé une fois par jour (c’est-à-dire 15 à 30 minutes par jour) ce serait déjà un progrès, et loin d’être un niveau de saturation.
« Mais la bonne nouvelle c’est que le consommateur est décisionnaire. »
Valéry : dernière question sur les voitures chinoises et la perte d’emploi en Europe, qu’en penses tu ?
Yohann : Tout d’abord il faut raison garder, les voitures chinoises ne sont pas moins chères que les voitures européennes, les voitures chinoises n’ont pas pris des parts de marché conséquentes (par exemple BYD c’est 0,7% de part de marché en France).
Ensuite les voitures européennes ne sont pas toutes fabriquées en Europe. Une Dacia Spring est fabriquée en Chine, une Volvo EX30 est fabriquée en Chine, une Peugeot 208 est fabriquée au Maroc, une Renault Clio est fabriquée en Turquie …
Donc pour démêler les pertes d’emploi dues aux délocalisations initiées par les constructeurs, celles liées aux baisses de vente du fait de la hausse des marges de celles liées à la concurrence des constructeurs chinois, ce n’est pas une mince affaire.
Mais la bonne nouvelle c’est que le consommateur est décisionnaire. S’il veut acheter une voiture fabriquée en Europe ou en France il peut le faire : la Renault 5 fabriquée à Douai, la Toyota Yaris fabriquée à Onnaing, la Peugeot 5008 fabriquée à La Jannaie.
Valéry : Merci Yohann et à tous les mobifresqueurs qui ont participé à ce document, n’hésitez pas à vous en servir pendant les fresques ou après les ateliers pour répondre à la question qui grattait et qui est restée en suspens.