Leasing électrique : réconcilier les problèmes de fin du mois et fin du monde ?

Leasing Electrique - Réconcilier fin- du mois et fin du monde ?

Leasing électrique : réconcilier les problèmes de fin du mois et fin du monde ?

Promis par Emmanuel Macron en 2022, le dispositif de location longue durée de voitures électriques à 100 € par mois est enfin lancé. L’objectif : faciliter l’accès à ces véhicules dont le coût est prohibitif pour de nombreux Français (l’offre est limitée aux foyers les plus modestes) et ainsi contribuer à la décarbonation des transports qui peine à démarrer. Guillaume Bresson nous livre son analyse sur ce sujet sensible, sur le plan social, industriel et écologique.

Faciliter l’accès à ces véhicules dont le coût est prohibitif pour de nombreux Français

Une plate-forme, Mon leasing électrique, a été inaugurée à la mi-décembre par le gouvernement pour recueillir les demandes. Les clefs du premier véhicule issu de cette initiative, souvent aussi appelée « leasing social », ont été remises le vendredi 19 janvier par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Si l’on peut se féliciter de toute démarche visant à conjuguer réduction des inégalités et enjeux climatiques, il convient de regarder plus précisément les conditions d’accès et les effets attendus pour juger de son efficacité.


Tout d’abord, un petit rappel sur ce que contiennent ces contrats de location, subventionnés par l’État à hauteur de 13 000 € par véhicule. Il s’agit d’un engagement renouvelable pour une durée d’au moins 3 ans, incluant ou non une option d’achat à l’issue du contrat. Ce dernier doit, à minima, inclure 12 000 km par an sans frais supplémentaires. Enfin, le coût des loyers est d’environ 100 € par mois pour les petits modèles, voire moins pour les mini-citadines, et monte jusqu’à 150 € pour les plus grosses voitures. Par ailleurs, ces tarifs de base n’intègrent aucune des options que l’on retrouve classiquement dans des locations longue durée (entretien, assurance, etc.), qui viendront donc en sus du loyer de base. Le dispositif prévoit la validation de 25 000 dossiers cette année et pourrait être revu à la hausse au vu de la demande.

(Mise à jour de la rédaction : Le dispositif a été victime de son succès puisque tous les dossiers ont été validés en moins d’un mois.)


Ces offres sont conditionnées par un revenu fiscal de référence par part qui doit être sous la barre des 15 400 €. Les personnes demandeuses de la subvention doivent aussi pouvoir justifier d’une utilisation importante de la voiture dans le cadre de leur travail (résidence à plus de 15 km du lieu de travail, plus de 8 000 km par an en lien avec son activité professionnelle), ce qui exclut, dans un premier temps, les personnes sans emploi, les étudiants ainsi que les retraités. Le gouvernement cherche ainsi à maximiser l’impact écologique en visant les plus gros rouleurs à faible revenu, qui sont davantage équipés de motorisations vieillissantes globalement plus émettrices de gaz à effet de serre (GES).

En 2019, 38 % des ménages les plus pauvres avaient un véhicule classé Crit’Air 4 ou plus, contre seulement 10 % pour les ménages les plus aisés.

Pour comprendre cette volonté d’électrification du parc automobile, rappelons que la voiture représentait, à elle seule, presque 16 % de l’ensemble de nos émissions de GES territoriales en 2021.

Le remplacement de l’ensemble des voitures thermiques par des électriques n’est ni possible ni souhaitable

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Leasing Electrique – le dossier par « La Fresque de la Mobilité »


Alors doit-on s’attendre à voir les émissions de GES des transports enfin chuter en 2024 ? Avec 25 000 nouveaux véhicules électriques sur plus de 35 millions de thermiques (hors professionnels) en France, l’effet risque d’être dérisoire. Si l’on se concentre sur les 20 % de Français les plus modestes, principaux concernés par ces mesures, ils totalisaient environ 4,5 millions de voitures thermiques en 2019 (presque 2 fois moins que pour les 20 % les plus riches). Ainsi, la subvention de l’État cette année peut aider à renouveler un peu moins de 0,6 % de ce parc dans le cas d’une substitution stricte contre une essence ou un diesel. Ce critère n’est d’ailleurs pas exigé pour profiter de l’aide à la location : le foyer peut ne pas être motorisé au préalable ou conserver son ancien modèle.

Dans tous les cas, le remplacement de l’ensemble des voitures thermiques par des électriques n’est pas souhaitable. La production de ces dernières nécessite d’importantes quantités de minerais, dont l’extraction et l’affinage sont particulièrement polluants et nocifs pour les écosystèmes concernés. De plus, une forte pression s’exerce au niveau international sur la disponibilité de ces minerais dans le cadre de la transition énergétique.

Afin de limiter ces effets indésirables, la meilleure solution reste de favoriser les transports collectifs et les modes actifs (marche, vélo) et, lorsque cela n’est pas possible, de viser des véhicules électriques les plus légers possibles (et donc moins demandeurs en minerais). À cet égard, le dispositif de location longue durée ne procède à aucune vérification sur la disponibilité d’alternatives à la voiture sur les trajets professionnels utilisés pourtant comme critère d’éligibilité.

« la mise en place concomitante de ce « leasing social » avec l’augmentation de presque 10 % de la facture d’électricité décidée par le gouvernement risque de peiner à convaincre les plus réfractaires de passer à l’électrique »

De nombreux modèles sont proposés à la location par le dispositif Mon leasing électrique, malgré quelques restrictions sur le poids des voitures autorisées (qui doit être inférieur à 2,4 t) et sur leur score environnemental, score qui, rappelons-le, avantage les autos produites dans l’Union européenne. L’offre va donc de la mini-citadine (Renault Twingo E-Tech, Fiat 500e, etc.) au SUV (Peugeot e-2008, Jeep Avenger, etc.), là où il aurait été possible de limiter le choix à de très petits gabarits. Enfin, l’initiative n’est pas restreinte qu’à du neuf, mais seuls les véhicules d’occasion de moins de 3 ans et demi sont éligibles à une aide de l’État. En pratique, la communication s’est essentiellement axée autour des propositions faites par les constructeurs sur le neuf, qui ont ainsi bénéficié d’un joli coup de pub à moindres frais. Une logique qui favorise de fait la production de nouveaux véhicules plutôt que la réutilisation.


À défaut d’avoir un impact significatif sur les émissions de GES, l’initiative apporte une réponse partielle à l’exclusion des ménages les plus modestes des ZFE (Zones à faibles émissions) déployées, ou en cours de déploiement, un peu partout dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants et qui interdisent progressivement les voitures les plus anciennes. Pour autant, la mise en place concomitante de ce « leasing social » avec l’augmentation de presque 10 % de la facture d’électricité décidée par le gouvernement risque de peiner à convaincre les plus réfractaires de passer à l’électrique.