Les véhicules intermédiaires : un levier pour décarboner la mobilité ?
Guillaume Bresson, consultant en mobilité durable vous propose un focus sur la nouvelle carte « Opter pour un véhicule intermédiaire ». Voici de quoi vous aider à encore mieux performer dans vos prochaines animations avec du fond et du concret sur ce levier d’action indispensable pour décarboner notre mobilité.
Vous trouverez à la fin de cet article, plusieurs ressources pour creuser le sujet.
Les véhicules intermédiaires regroupent tous les modes de déplacement individuels de moins de 600 kg qui se situent entre le vélo classique et la voiture. La catégorie se veut large, l’idée étant de proposer un vaste choix afin de répondre au besoin de mobilité de chacun de la façon la plus adaptée. Ainsi, les véhicules intermédiaires intègrent à la fois des modes actifs (nécessitant un effort musculaire) et passifs. Le tableau ci-dessous montre une synthèse des différents véhicules pouvant être qualifiés « d’intermédiaires » [1].
Quelques exemples de véhicules intermédiaires sont proposés dans l’image suivante tirée de [1].
La dénomination anglaise la plus couramment utilisée est LEV (pour Light Electric Vehicle — véhicule électrique léger). Celle-ci se différencie de l’appellation véhicules intermédiaires selon deux critères :
1- Les LEV n’intègrent que des véhicules électriques, là où les véhicules intermédiaires peuvent n’être que musculaires par exemple (vélo pliant).
2- Les LEV intègrent les trottinettes, gyropodes ou autres monoroues électriques (micromobilité). Ces modes de déplacement sont exclus des véhicules intermédiaires, notamment au regard de leur cercle d’application limité.
Tout l’intérêt de ces véhicules intermédiaires est de proposer des solutions de mobilité plus économes aussi bien d’un point de vue énergétique, qu’au niveau des matériaux nécessaires à la fabrication (principalement le lithium, cobalt, nickel et cuivre indispensables aux batteries, voir figure ci-dessous), de la place qu’ils occupent ou du coût d’achat et d’usage, tout en offrant des co-bénéfices importants pour la santé dans le cas des modes actifs.
Figure 2 : nombre de véhicules produits pour une capacité de batterie de 100 kWh, image tirée de [2]
« la seule électrification des automobiles est jugée insuffisante pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur d’ici à 2050 »
La nécessité d’une telle offre de mobilité naît du constat suivant : le poids des véhicules traditionnels ne diminue pas pour de nombreuses raisons (sécurité, design, quantité de places à bord, équipements de commodité, etc.), les rendant donc inefficaces du point de vue de la consommation en matériaux et en énergie pour l’usage qui est en fait (très essentiellement solitaire) [3]. Par ailleurs, la seule électrification des automobiles est jugée insuffisante pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur d’ici à 2050 [4]. Ainsi, il convient de réfléchir à de nouvelles solutions : des véhicules bien moins lourds et moins rapides, avec un confort par conséquent restreint, mais acceptable.
Si l’allègement de la masse semble être une évidence, l’abaissement de la vitesse peut questionner. Celle-ci s’explique de diverses manières. Tout d’abord, une vitesse plus faible limite le risque d’accident et la gravité de ceux-ci, ce qui autorise, en retour, à diminuer les équipements prévus pour la sécurité qui alourdissent le véhicule. Cela permet également de réduire la consommation énergétique ainsi que le bruit. Enfin, cela encourage aussi à favoriser des déplacements à proximité et peut donc participer à restreindre les distances parcourues à terme.
Afin de donner un exemple de la contribution de ces véhicules intermédiaires aux émissions de gaz à effet de serre (GES), une Renault Twizy émet 2,7 tonnes de CO2e pour sa fabrication contre 9,3 pour une Zoé. Cet avantage se retrouve également dans la consommation d’énergie (9 kWh/100 km pour une Twizy contre 16,7 pour la Zoé), du fait de son plus faible poids [4]. Une étude récente sur les LEV en Allemagne a montré que jusqu’à 44 % des émissions de GES pourraient être évitées par l’utilisation de ces véhicules d’ici à 2030. Ceux-ci pourraient se substituer à des voitures conventionnelles pour les trois quarts des trajets faits (soit la moitié des kilomètres parcourus) [5].
Les véhicules intermédiaires sont donc particulièrement pertinents là où l’utilisation d’une automobile classique est peu justifiée (autosolisme, notamment) et où les alternatives sont peu nombreuses (zones de faible à moyenne densité). Cela peut, par exemple, concerner les personnes vivant seules ou les secondes voitures des ménages pour lesquels les usages avec plusieurs personnes à bord et sur de longues distances peuvent généralement se coordonner. Ces deux catégories représentent presque la moitié du parc automobile en France [6].
Ces conditions sont importantes pour s’assurer que les véhicules intermédiaires viennent bien en substitution d’une voiture là où cela est utile et non en complément, ce qui produirait l’inverse de l’effet escompté. De tels cas ont déjà pu être observés concernant les voiturettes qui motorisent des personnes qui avant circulaient à pied ou en transport en commun [7].
« il faut également que des alternatives à la voiture sur les déplacements de longue distance existent »
Dans tous les cas, pour que les véhicules intermédiaires émergent, il faut également que des alternatives à la voiture sur les déplacements de longue distance existent (train, car, covoiturage, autopartage). Au-delà de ces considérations pratiques, il convient aussi de travailler à lever les verrous qui peuvent limiter le déploiement de ces objets : le poids de la représentation sociale liée à la voiture, la complète adaptation de notre société au tout-voiture ou encore la place qu’occupe l’industrie automobile dans la structuration de l’offre [8].
Des initiatives émergent çà et là. On peut citer l’exemple de l’extrême défi de l’ADEME qui pousse à la création de ces nouvelles solutions de mobilité ou l’association In’VD (Innovation Véhicules Doux), très active en milieu rural pour promouvoir les véhicules intermédiaires. De quoi à espérer voir fleurir des véhicules en tous genres sur les routes de France.
Références
[1] A. Bigo, F. Héran et al., « Définition et typologie des véhicules intermédiaires », Transports Urbains, septembre 2022.
[2] A. Bigo, « Les véhicules intermédiaires : l’avenir de la mobilité ? », Bon Pote, avril 2023.
[3] F. Héran, A. Sivert, « L’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules individuels », Transports Urbains, septembre 2022.
[4] L.-P. Geffray, « Impact carbone : des véhicules légers, plus ou moins lourds… en émission », Transports Urbains, septembre 2022.
[5] S. Ehrenberger et al., « Potentials of Light Electric Vehicles for Climate Protection by Substituting Passenger Car Trips », World Electric Vehicle Journal, septembre 2022.
[6] A. Bigo, « Quelle place pour les véhicules intermédiaires dans la transition énergétique des mobilités ? », Transports Urbains, septembre 2022.
[7] S. Harounyan, « Voitures sans permis : à Marseille, la jeunesse en roue libre », Libération, mai 2022.
[8] F. Héran, « Quel avenir pour les véhicules intermédiaires ? », Transports Urbains, septembre 2022.