Mobilité : l’enjeu des batteries !
Nicolas Vallin, expert dans les énergies pour la mobilité durable et l’un des créateurs de la Fresque de la Mobilité nous résume l’essentiel à connaître sur les batteries.
Que ce soit sur la carte La batterie ou sur la carte Voiture Electrique, c’est toujours rassurant d’avoir un socle de connaissance suffisant pour gérer les participants septiques quant à l’opportunité de la voiture électrique.
Pourquoi avons-nous besoin de batteries ?
Les transports sont aujourd’hui extrêmement dépendants des énergies fossiles, principalement du pétrole. Les émissions des transports sont par conséquent principalement (environ 75%, voir ci-dessous) dues à la combustion des carburants, lors de l’usage des véhicules.
Même avec des efforts de sobriété, par exemple sur nos besoins de mobilité ou sur le poids des véhicules, il apparait clair que la flotte de véhicules particuliers (et de camions) restera importante. En 2023, il s’est vendu environ 90 millions de véhicules particuliers dans le monde.
Electrifier les moyens de transport est donc un levier de décarbonation très puissant. Parmi les différentes solutions technologiques, l’électrification grâce au véhicule à batterie est la plus pertinente, tant sur le plan économique qu’environnemental, comme rappelé dans différents rapports de Carbone 4 ou de l’Agence Internationale de l’Energie. La maturité de ces alternatives à la voiture thermique a poussé la Commission Européenne à trancher en faveur l’interdiction de ventes de véhicules thermiques neufs à partir de 2035.
Qu’est-ce qu’une batterie ?
Une batterie permet de stocker l’énergie électrique, lors de la charge, puis de restituer cette énergie électrique, lors de la décharge, en inversant la réaction électrochimique. L’électricité redistribuée permet ainsi d’alimenter un moteur électrique. Une batterie est principalement constituée :
– d’une cathode (l’électrode +),
– d’une anode (l’électrode -),
– d’un électrolyte qui permet le passage des ions d’une électrode à l’autre, et donc de générer le courant électrique,
– d’un séparateur qui permet de laisser passer les ions et d’éviter les courts-circuits,
– de collecteurs de courants sur chaque électrode
A chaque charge, les ions passent d’une électrode à l’autre grâce à un courant électrique. A la décharge, les ions font le chemin inverse, et créent un courant électrique. Chaque passage détériore la structure des matériaux, ce qui peut causer des courts circuits et/ou des emballements thermiques, et ce qui impacte sa durée de vie. On parle de vieillissement de la batterie. La performance, et notamment la capacité de stockage de la batterie (et donc l’autonomie du véhicule) est fortement dépendante des matériaux utilisés, ce qui catégorise des familles de technologies de batteries : Li-NMC pour Lithium-ion Nickel Manganèse Cobalt, LFP pour Lithium Fer Phosphate, Na-ion pour les batteries au Sodium, ou encore ASSB pour les batteries « tout-solide » (à électrolyte solide).
Toute la difficulté est donc de trouver la bonne formule chimique, qui soit le bon compromis entre durabilité, performance, sécurité, coût et empreinte environnementale.
Note : Contrairement à une idée reçue largement répandue, les batteries ne comportent pas de terres rares. Elles sont en revanche principalement composées de matériaux dits « critiques », comme le lithium, le nickel ou le cuivre, dont l’augmentation du besoin crée une tension forte sur les chaînes d’approvisionnement.
Où et comment les fabrique-t-on ?
En plus de l’innovation, l’autre grand enjeu de la filière est de produire ces batteries en grande quantité, localement et en réduisant l’impact environnemental de la production. Ces enjeux ont poussé les constructeurs automobiles à investir massivement (1.200 milliards d’ici 2030) pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement, maîtriser de mieux en mieux les technologies nécessaires à l’industrialisation des batteries, et pour continuer les efforts de décarbonation sur la production elle-même.
Sur ce sujet, un des principaux leviers est de produire les batteries avec de l’électricité bas carbone. En 2023, environ 70% des batteries étaient produites en Asie (principalement en Chine). Les autres principaux pays producteurs sont la Pologne et les Etats-Unis avec environ 6% chacun.
Localiser la production en France/Europe dans des pays au mix électrique bas carbone permettra donc de réduire fortement l’empreinte environnementale de la production de batteries. L’autre levier est d’innover à chaque étape du procédé de fabrication, qui reste complexe et énergivore. Le développement d’une filière batterie locale et performante, facilité par la Commission Européenne, sera donc un atout majeur pour la décarbonation des transports.
Quels enjeux pour le futur ?
L’enjeu principal de ces prochaines années est sans doute de continuer à faire baisser le coût des batteries, qui représentent encore 30 à 40% du prix total du véhicule électrique.
Il faudra également veiller à ce que la réduction du prix ne soit pas « compensée » par la prise de masse des véhicules, pour accroitre l’autonomie, ou ajouter des options « gadget ».
Les économies d’échelles à la production ainsi que le développement de cellules et packs batteries optimisés, permettant d’améliorer la densité énergétique (et donc l’autonomie du véhicule à masse constante), seront déterminants pour réduire la différence de prix d’achat entre les véhicules électriques et les véhicules thermiques. Les nouvelles technologies, comme les batteries au sodium, permettront également de développer des modes alternatifs durables, comme les véhicules intermédiaires, grâce à leur moindre dépendance aux métaux critiques, à leur faible coût, et à leur potentiel élevé de circularité.
Il faudra également veiller à établir des chaînes de valeur durables, grâce notamment à la nouvelle réglementation européenne et au Battery Passport, pour ne pas remplacer une dépendance aux énergies fossiles par une dépendance aux métaux critiques. L’opportunité de bâtir une filière à haut niveau de traçabilité et de circularité est unique, les acteurs de la filière ont toutes les cartes en main pour atteindre leurs objectifs ambitieux de décarbonation.
Enfin, le développement d’une filière batterie permettra en partie de limiter les pertes d’emploi dans le secteur automobile qui est déjà fortement impacté par la transition.
En conclusion, il s’agira de trouver les bons compromis entre acceptation par le grand public du véhicule électrique (utilisation différente, ouverture de mines de métaux en Europe), performance industrielle et compétitivité de la filière (emploi, innovation et subventions), et maitrise de l’empreinte environnementale (sobriété, durabilité, circularité).
Note : Contrairement à une idée reçue largement répandue, les batteries Li-ion sont recyclables, avec un potentiel de récupération des métaux critiques à hauteur de plus de 90%. Lorsque les volumes de métaux à traiter le justifieront, il s’agira de construire une filière de collecte et de recyclage locale.