Nouveau bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique : changements à l’horizon

Nouveau bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique : changements à l’horizon

Interview de Nicolas Planchenault, consultant en mobilité et empreinte carbone, par Célia Corneil de l’équipe Newsletter de la Fresque de la Mobilité.

Nouveau bonus écologique, quels sont les changements apportés par le gouvernement par rapport au bonus précédent ?

Le précédent format du bonus écologique, aide financière accordée par l’Etat lors de l’achat d’un véhicule, considérait comme « écologique » l’ensemble des véhicules électriques (VE).

A partir de janvier 2024, c’est un changement de paradigme qui s’opère :
– Tous les véhicules de plus de 2,4t sont exclus d’office.
– Pour les VE ayant un poids inférieur, les constructeurs devront calculer une note environnementale sur la fabrication du véhicule, qui se base sur une méthodologie proposée par l’Ademe.

La fabrication uniquement ?

Oui pas tout le cycle de vie, c’est-à-dire que cela exclut la consommation de carburant, la maintenance, la fin de vie, et ça ne prend pas en compte, de façon quantitative du moins, la durée de vie du véhicule.

Que penser de la méthodologie Ademe ?

La méthodologie Ademe propose de calculer une empreinte carbone simplifiée (appelée “EC”) du véhicule pour sa fabrication, et une conversion en note environnementale.

Concrètement, la méthodologie découpe la voiture en différents matériaux/composants :
– Acier, aluminium, autres matériaux
– Batterie
– Assemblage du véhicule (« transformation intermédiaire » : on prend toutes les pièces et équipements et on assemble le véhicule)
– « Transport du véhicule » une fois ce dernier assemblé.

L’empreinte carbone (EC) est d’abord calculée pour chacun de ces composants. Cela permet d’obtenir l’EC totale, à partir de laquelle est déduite la note environnementale. Le bonus écologique est lié à la note environnementale ainsi obtenue.

Aujourd’hui, la note environnementale différencie deux types de véhicules :
– Type 1 : 5 places, avec une certaine autonomie et un espace assez confortable au niveau du coffre[1] : véhicule assez standard.
– 2. Type 2 : tous les véhicules ne respectant pas ces critères. De ce fait, les véhicules n’ayant pas 5 places doivent avoir une empreinte carbone 40% plus faible pour obtenir le bonus écologique. Ex : une Dacia Spring de chez Renault (4 places, fabriquée en Chine).

Le revers de la médaille est que le bonus écologique est donc plus exigeant avec des véhicules potentiellement plus petits (moins de 5 places).

Par ailleurs, la note environnementale est aujourd’hui « tout ou rien » : en-dessous d’une certaine empreinte carbone, la voiture est éligible au bonus, au-dessus elle ne l’est pas.

Autre point majeur, le lieu de fabrication et le transport sont prépondérants dans le calcul de la note environnementale, ce qui sanctionne de fait les délocalisations. L’attribution du bonus écologique aux VE est donc de fait un outil environnemental mais aussi de politique industrielle.

L’intérêt est que tout ce qui est produit en France (ou plus largement en Europe) à des émissions de GES globalement plus faibles que dans les autres pays du monde pour deux raisons :
1 – La production est locale ce qui implique donc moins de transport du produit achevé.
2 – La production française s’appuie sur une production d’électricité qui est bas carbone.

Doit-on voir ce bonus comme une politique industrielle uniquement dans ce cas ?

Les VE sont beaucoup plus construits à l’étranger et notamment en Chine que les véhicules thermiques. Cela s’explique par le fait que la grande majorité des batteries, élément majeur des VE, est produite en Chine. Par ailleurs, les VE sont plus faciles à construire, donc plus faciles à produire dans de nouvelles usines. Et enfin, la production d’un nouveau véhicule est toujours une occasion de rebattre les cartes pour les constructeurs, et donc de changer d’usine, et donc de délocaliser.

De ce fait, il faut plutôt voir ce bonus comme un double avantage :
– Cela encourage les constructeurs à faire des choix qui vont réduire les émissions de GES en vue d’avoir le bonus.
– Comme l’Europe et la France sont avantagées par ce bonus, cela peut contribuer à relocaliser la filière.

S’il n’y avait pas cette politique industrielle associée, il n’y aurait probablement jamais eu ce bonus écologique et cette note environnementale. L’un contribue à l’autre, et cela peut être positif sur les deux aspects, relocalisation de la production d’une part et diminution des émissions de GES induits par la fabrication des VE d’autre part.

Est-ce un avantage donné à la production française ou plus largement européenne ?

Bonne question. Dans la méthode, il n’est pas fait de différence entre les pays européens sur le plan de la fabrication de la plupart des composants. L’Europe dans son ensemble a un avantage par rapport à la Chine par exemple, cela gomme l’avantage d’une production française par rapport à une production dans d’autres pays européens, associée à notre électricité peu carbonée.

Par exemple, la batterie de la Renault Zoé est fabriquée en Pologne, pays dont les émissions de GES de la production d’électricité sont très mauvaises. Pour autant, l’empreinte carbone de la batterie sera donc la même que si elle avait été produite en France.

En parallèle, côté transport, globalement plus la voiture vient de loin plus cela a un impact significatif. Cependant, faire venir une voiture de Roumanie par camion a à peu près le même impact environnemental que le trajet d’un port chinois au port de Marseille.

Que peut-on attendre de la mise en œuvre de cette notation environnementale ?

On peut attendre une réelle réduction de l’empreinte carbone des VE. Le gouvernement, la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat), et l’Ademe maîtrisent aujourd’hui ce type de méthodologie et possèdent le retour d’expérience du secteur photovoltaïque où l’empreinte carbone des produits a été réduite. Ça a mis du temps à se mettre en place dans les premiers temps, mais c’est désormais acquis et les fabricants se réorientent vers des pays où la production est plutôt bas carbone pour fournir le marché français.

Y a-t-il des améliorations/ évolutions qui pourraient advenir sur cette notation environnementale ?

Pour le moment, la notation n’est pas trop excluante. Une fois l’outil mis en place, il y a moyen de pousser petit à petit pour être plus précis dans la méthode d’une part et être plus exigeant d’autre part.

Parmi les pistes d’améliorations, il y a la meilleure prise en compte de la réparabilité des véhicules. Par exemple, les modèles de Tesla sont des véhicules coulés d’une seule pièce, une conception très pratique sur le plan industriel et sur celui de la structure de la carrosserie. En revanche, il est impossible de remplacer des parties du véhicule. Un gros souci de réparabilité donc…

La note environnementale inclue actuellement jusqu’à 30% d’éléments « relatifs à l’incorporation de matériaux recyclés et biosourcés dans le véhicule, ainsi que la réparabilité de la batterie », sans précision sur les critères quantitatifs. Il s’agit donc d’affiner la notation sur ce point. Pas uniquement sur la batterie mais aussi sur l’ensemble du véhicule. En effet la durée de vie des batteries a longtemps été considéré comme inférieur à celle du véhicule. Or, il semble que finalement la durée de vie des batteries est très bonne.

La méthodologie est probablement appelée à évoluer. Une affaire à suivre !


[1] 200L de coffre, 170km d’autonomie (WLTP).

Définitions :

 EC : empreinte carbone Ademe. Pour rappel une empreinte carbone calcule uniquement les émissions de GES. La méthodologie donne une image simplifiée de l’empreinte environnementale d’un véhicule : prise en compte des impacts climat uniquement, simplification des données sur le véhicule, empreinte de chaque composant simplifié.

VE : véhicule électrique

Crédit Image : https://www.economie.gouv.fr/cedef/bonus-automobile – © RoadLight – Pixabay