Au revoir Plan vélo… Bonjour cars express ?
Du Plan « vélo et marche » au Plan « cars express », construction de l’opposition mobilités des champs – mobilités des villes.
par Célia Corneil, animatrice de la Fresque de la Mobilité, consultante en Mobilité, changements d’usage, expérimentation
Le 15 octobre 2024, le cycliste Paul Varry décédait à Paris, écrasé de manière intentionnelle par un automobiliste. Ce funeste évènement a massivement mobilisé la communauté cycliste et les associations de défense des usagers du vélo. La question centrale de la sécurité routière est arrivée sur le devant de la scène, intrinsèquement liée à la question des infrastructures dédiées aux cyclistes.
Or, à contre-courant de cette mobilisation, le gouvernement a entériné un projet de budget 2025 abandonnant purement et simplement le financement du Plan vélo et marche 2023-2027.
Le Plan vélo et marche, c’est quoi ?
« En septembre 2022, la Première ministre a lancé le Plan vélo et marche 2023-2027 afin de redoubler d’effort et définitivement inscrire le vélo dans le quotidien de tous les Français » indique le site des Ministères des Territoires, de l’écologie et du logement .
Trois objectifs : vélo pour tou.te.s, une alternative attractive face à l’autosolisme, une filière économique à part entière
Ce plan avait 3 objectifs :
1. Rendre le vélo accessible à toutes et à tous.
Cet objectif s’est concrétisé par le programme « Savoir rouler à vélo » qui visait à former les enfants de CM2-6e à l’apprentissage du vélo en ville. Cela a permis de booster les festivités de Mai à vélo. Cela a mis sur le devant de la scène l’usage du vélotaf avec le programme Objectif Employeur Pro-Vélo et le Forfait Mobilités Durables déployé au sein des entreprises, ou encore la réduction d’impôt pour les flottes de vélos de fonction,
2. Faire du vélo et de la marche une alternative attractive à la voiture individuelle pour les déplacements de proximité et combinée aux transports collectifs pour les déplacements de plus longues distances.
Cet objectif a permis de massivement financer le déploiement de schémas cyclables lancés par les collectivités locales. 1,25 milliards d’euros était prévu pour soutenir les collectivités dans le déploiement d’aménagement cyclable. Plus que des aménagements, le Plan Vélo permettait de diffuser une culture vélo en incluant l’ensemble des enjeux de réussite de la cyclabilité d’un territoire : stationnement, intermodalité, marquage des vélos, …
3. Faire du vélo un levier pour notre économie en accompagnant les acteurs français de la filière
Cet axe a permis la structuration de la filière économique « France Vélo ». Avec la signature d’un contrat de filière en juin 2024, Le marché du vélo était reconnu comme un secteur économique à part entière, ouvrant la voie vers la définition inter-partenaires de projets structurants. Avec la structuration de la filière vélo, l’objectif était aussi de booster la France comme destination cyclotouristique et de développer massivement la cyclologistique…
Un plan vélo et marche déjà à l’arrêt en 2024
Dès 2024, l’Etat a gelé les financements du Plan vélo et marche. Les appels à projets n’ont jamais trouvé de lauréats. Ce sont 400 projets d’aménagements cyclables portés par les collectivités locales qui sont suspendus depuis un an et le resteront donc sur toute l’année 2025.
Le Ministère des Transports table désormais sur le « car express »
Exit les vélos, place aux cars express ! François Durovray, Ministre délégué chargé des Transports, a annoncé s’attaquer aux trajets « longs » du quotidiens domicile-travail, de 30 à 50 km. La solution mise sur la table : la mise en place de car express ou de lignes de covoiturage. Les cars permettraient de massifier les déplacements, et de remplacer ainsi la voiture individuelle. Ce plan national de cars express sera présenté début 2025.
Un retour de l’opposition mobilité des champs-mobilité des villes
On peut louer la mise à l’agenda de solutions pour les mobilités quotidiennes de moyennes distances. Ce sont en effet des trajets fortement émetteurs de CO2 e.q. (du fait du nombre de kms parcourus). Cependant, on peut se demander l’intérêt d’y opposer le développement des mobilités actives. En descendant d’un « car express », ne faudra-t-il pas marcher ou pédaler jusqu’à son lieu de travail ?
Ces différentes annonces illustrent bien la construction d’une opposition entre mobilité des champs-mobilité des villes. La mobilité des champs est celle de la longue distance, marquée par l’usage massif de la voiture individuelle. La mobilité des villes est celle de la courte distance, urbaine, de l’accessibilité à pied et à vélo.
Cette simplification de la question des mobilités met de côtés toute la multiplicité des usages : faire les courses, véhiculer un proche (école, service, médecin, …) se rendre à des loisirs, rendre visite… Autant de situations qui mêlent courte et moyenne distance. Et ce, que l’on soit dans un espace rural-périurbain ou en ville. Toutes ces situations nécessitent ainsi des solutions de mobilité diversifiées.
Assurer une intermodalité de qualité, gage du bon déploiement des cars express
Même en resserrant la réflexion sur ces fameux trajets longs du quotidien vers le lieu de travail, il est indéniable que la fin du Plan vélo et marche est aussi une mauvaise nouvelle. Si le trajet entre le domicile et le point d’arrêt de car ou de la ligne de covoiturage passe par le franchissement d’une départementale sans accotement, il y a fort à parier que la plupart des personnes continueront à utiliser leur voiture personnelle.
En somme, sans intermodalité transports en commun-modes actifs, il n’y aura pas de massification de l’usage, que cela soit pour un car express comme pour du covoiturage.
Pour assurer la décarbonation de la mobilité, tous les leviers doivent être activés, sans en oublier en chemin…