Interview de Benoît Tholence, Fondateur de Sanka  et co-fondateur de l’association Aveli, Animateur de la Fresque de la Mobilité par Célia Corneil.

Bonjour Benoît, tout d’abord, peux-tu te présenter ? 

Bonjour, alors j’ai plusieurs casquettes, j’ai presque un Bob on pourrait dire ! 

Je suis Benoît Tholence et je suis en train de créer une structure qui s’appelle Sanka Cycle. C’est un projet que je mène depuis 3 ans. L’objectif de Sanka Cycle est d’offrir une alternative à la 2e voiture, là où il n’en existe pas ou peu, c’est-à-dire plutôt en dehors des grands centres urbains.
Au sein des espaces urbanisés, il existe déjà des alternatives à la voiture, en particulier à la possession d’une deuxième voiture, c’est pourquoi on se focalise sur les périphéries et les zones peu denses, éventuellement les petites villes. Les personnes-cibles sont celles qui réalisent un trajet d’environ 10 kms ou moins. Notre solution : proposer un véli* sous la forme d’un vélo quadriporteur, qu’on a dénommé « Bob », telle que ça existe déjà dans les normes, mais qui n’existe pas encore sur nos routes. 

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Ma deuxième casquette est celle de co-fondateur de Aveli, l’association des Acteurs des Véhicules Légers Intermédiaires, qui a pour vocation de représenter cette nouvelle filière naissante en France, et en Europe en général.

* Avant de présenter en détail Aveli, peux-tu nous définir ce qu’est un Véli ?

J’aime définir le Véli de 2 manières :  

C’est donc une catégorie intermédiaire, un peu « fourre-tout », une filière au sein de laquelle il y a actuellement beaucoup d’innovation. L’objectif, c’est de réussir, dans les prochaines années, à cocher la bonne case qui permettra de casser l’hégémonie de la voiture

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Les véhicules intermédiaires. Source : Frédéric Héran 

Comment est apparue cette mouvance du Véli, quelle est la genèse de ces « ovnis » ? 

Alors, il me semble que le tout premier à avoir évoqué le véhicule intermédiaire était Francisco Luciano au sein d’un rapport du Shift Project qui s’appelait Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité, en sept.2017. Il y a aussi eu les travaux de recherche précurseurs de Frédéric Héran qui a essayé de catégoriser et d’expliquer cette dynamique. Ensuite, Aurélien Bigo popularise le terme et Jean-Marc Jancovici le relaie. 

Du côté des pouvoirs publics, la reconnaissance vient de l’ADEME, avec le concours de l’eXtrême Défi, un programme d’accompagnement innovant qui corrèle financement, entraide, différents appels à projets, création d’un écosystème (fabricants, collectivités, …). L’eXtrême Défi a débuté en 2022, avec un cycle d’appel à projets sur l’idéation, puis le prototypage, et qui va se poursuivre en 2024 sur le pan industrialisation. Ce cycle va se répéter plusieurs fois avec l’objectif d’engager un maximum d’acteurs dans le développement de nouveaux véhicules légers, simples et peu onéreux. 

Comment est née l’association Aveli

Il y avait déjà des groupes de discussions informelles, l’eXtrême Défi a permis de mieux se connaître et, milieu 2023, le sujet a été relancé, avec pour objectif de faire reconnaître les Velis et l’écosystème qui les entoure, d’être plus visible et de peser sur les décisions qui touchent la filière, notamment auprès des instances nationales. 

Sur le site d’Aveli, on peut voir que votre mot d’ordre est « les acteurs des Vélis sont réunis par leur volonté commune d’œuvrer à la généralisation d’une mobilité quotidienne des personnes et des marchandises plus respectueuses de notre santé, de notre environnement et compatible avec la neutralité carbone à 2050. » Comment les Vélis peuvent-ils faire bouger les lignes sur la question de la mobilité des marchandises, de la logistique ? 

Avec l’avènement des ZFE, les camions ne seront plus les bienvenus dans une vingtaine de centres urbains. Il existe déjà des offres de petits véhicules type fourgon, fourgonnette mais l’objectif des Vélis est d’enrichir cette offre avec des véhicules agiles et peu polluants. L’objectif est bien d’élargir autant que possible l’offre de véhicules existants. Par exemple, les gros vélos à quatre roues existent beaucoup en Allemagne mais peu en France. 

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Lyon- Un million de colis déjà livrés par vélo-cargo en centre Presqu’île avec le programme ColisActiv, Le Progrès, 12 oct. 2023

Pour toi, quels sont les apports du Veli à cet objectif de neutralité carbone à horizon 2050 ? 

L’enjeu n’est pas juste d’électrifier un parc automobile en France, mais comme le dit Aurélien Bigo « la voiture électrique est l’avenir de la voiture mais la voiture n’est pas l’avenir de la mobilité ». 

Il faut donc de manière simultanée développer des véhicules plus légers ET repenser les usages de la voiture (questionner la propriété des véhicules, l’autosolisme, …). En faisant cela, on en vient à penser des modèles économiques différents

Chez Sanka Cycle par exemple, nous avons décidé de proposer exclusivement notre Bob en Location Longue Durée (LLD), afin que la barrière à l’entrée soit la plus faible possible. Louer un véhicule innovant apparaît une option plausible pour beaucoup de personnes. A l’inverse, acheter un véhicule aux alentours de 12 000 €, cela paraît tout de suite beaucoup plus compliqué. 

Ensuite, l’objectif des Vélis est de maintenir notre capacité de déplacement en diminuant les ressources utilisées et les émissions de GES. Pour donner des ordres de grandeur, on peut regarder la capacité des batteries : 

Cela montre que même l’une des plus petites voitures électriques est toujours trop grosse. 

Selon toi, quels sont les défis majeurs de la filière ?

Il n’y en aura pas ! (Rires)

Je ne les cite pas forcément dans l’ordre d’importance, selon moi il y aura : 

Dernière question, comment abordes-tu les Vélis au sein de la Fresque de la Mobilité ? 

La Fresque apporte des leviers d’actions pour agir dès maintenant, et le Véli n’est pas encore une réalité. Dans le cadre de l’eXtrême Défi, nous avons animé des fresques adaptées au programme, avec une carte vélo cargo et une carte micro-voiture, dans les cartes des leviers individuels. Il y avait aussi une carte supplémentaire pour la Fresque à destination des collectivités, toujours dans le cadre de l’eXtrême Défi, sur « rendre l’avènement des véhicules intermédiaires possibles » : leur donner une place pour le stationnement, l’usage de voie cyclable, …Ce test avec l’ADEME avait vocation à être élargi à une future version de la Fresque des Mobilités, notamment dans les profils, à garder en tête pour l’avenir 😉